La mise en place d’une politique de gestion des documents au sein d’un organisme nécessite tout d’abord d’identifier les documents qui sont engageants pour l’organisme, documents que l’on qualifiera de documents d’activité conformément à la nouvelle norme en la matière (ISO 30300).
La mise en place d’un système de gestion de ces documents (record management en anglais) pose des enjeux importants, d’un point de vue documentaire et fonctionnel. Si ces enjeux sont les mêmes quels que soit le contexte, les réponses qui y seront données seront, elles, dépendantes du contexte et donc propres à chaque organisme.
1. Maîtriser le cycle de vie des documents et leur traitement
Un enjeu important pour les documents engageants est la maîtrise de leur cycle de vie et des différentes étapes qui le composent. Ceci permet, d’une part, de dématérialiser le traitement des documents au travers d’applications métiers ou de gestion documentaire/de dossiers et, d’autre part, d’identifier les traitements à appliquer aux documents en fonction de leur état.
Ce cycle de vie est fortement lié au processus métier duquel relève le document et de considérations juridiques.
2. Enregistrer et capturer les documents
Ces documents étant engageants, il est impératif d’en assurer l’enregistrement et la capture dans un système (pas nécessairement informatique). Les normes en matière de record management insistent fortement sur le caractère exhaustif et systématique de la démarche : « Il est recommandé que les documents soient produits, conservés et gérés de manière systématique. Il convient de concevoir et de mettre en place conjointement les systèmes d’archivage et d’organisation des activités, afin de systématiser les méthodes de production et de conservation des documents ».
Pour les documents papiers se pose la question de leur dématérialisation complète ou simplement de leur numérisation à un moment donné du processus : quand, comment, à quelles conditions légales et techniques, …
Pour les documents numériques, il est évidemment préférable de les capturer directement sous forme numérique. Il faut définir, en fonction de leur cycle de vie, à quel moment et à quelles conditions cette capture doit/peut être effectuée.
La capture des documents nécessite également de gérer leur authenticité. La dématérialisation des documents, actuellement en cours dans de nombreuses applications des organismes, rend cet enjeu d’autant plus crucial. Comment vérifier que le document est authentique, qu’il est bien le reflet de ce qu’il prétend être ? Cette problématique n’est pas propre aux documents numériques mais il est clair que le caractère numérique des documents nécessite de gérer cette question à l’aide d’autres techniques.
Dans de nombreux cas, l’événement qui déclenche un processus métier, principalement dans l’administration, est un formulaire tant sous forme papier que dans un format électronique. La reconnaissance et la gestion des formulaires constituent une fonctionnalité importante d’une gestion de « records ». Dans de nombreuses implémentations de workflows, c’est par l’intermédiaire d’un formulaire que seront saisies les données qui alimenteront ultérieurement des bases de données structurées ; ces mêmes formulaires serviront de support aux informations nécessaires à la bonne exécution des différentes étapes du traitement
Enfin, il est intéressant d’analyser si certains documents pourraient être totalement dématérialisés, c’est-à-dire supprimer leur forme papier au profit d’échanges de données structurées entre acteurs concernés (contexte egovernment).
3. Classer et décrire les documents
Ces documents ne trouvent souvent leur sens que dans le contexte de leur production. Ces documents doivent donc être classés dans un contexte particulier, qui prend généralement la forme d’un dossier virtuel. Ce classement passe par la description du document et de son contenu à l’aide de métadonnées.
Les métadonnées doivent être déterminées avec soin en raison de leur impact fort sur la recherche d’informations, leur gestion et leur préservation.
4. Archiver les documents et conserver leur valeur
Les documents d’activité ont une valeur probante importante. Le système mis en place doit permettre de conserver cette valeur et leurs caractéristiques (voir ici) aussi longtemps que nécessaire, ce qui est le scope de l’archivage. Selon les recommandations existantes, un tel système de gestion des documents d’activités doit disposer des caractéristiques suivantes :
sécurité du système |
Le système d’archivage doit être solide et protégé contre toute attaque extérieure. |
intégrité |
Le système doit comporter des mesures de contrôle visant le droit d’accès, l’identité de l’utilisateur, le droit de procéder à des éliminations et la sécurité soient mises en œuvre afin de prévenir tout accès, toute élimination, toute altération ou tout déplacement abusifs des documents. |
conformité |
Le système doit être conforme à la réglementation, à tous points de vue (durée de conservation, accès, sécurité). |
exhaustivité du périmètre |
Si le producteur n’a pas archivé tous les documents qu’il devait archiver, le dispositif d’archivage présente une lacune. |
disponibilité |
Le système doit être accessible selon les besoins. |
traçabilité |
Tout événement affectant le système ou les objets qu’il contient doit être tracé. |
Il s’agit là de spécifications générales. Comme dans tout système, la sécurité peut être plus ou moins forte. A l’extrême, lorsque l’archivage est conçu dans des contextes très sensibles (par exemple pour les documents classés « secret defense »), les documents archivés sont chiffrés.
Il convient donc de déterminer le niveau de sécurité adéquat par rapport aux besoins : un document nul, non-conforme, non opposable ou non probant ne va pas devenir valide ou probant sous prétexte qu’il est conservé dans un système d’archivage hautement sécurisé.
La valeur d’un document repose donc sur :
- sa valeur formalisée à l’entrée dans le système
- sa valeur formalisée et visible une fois archivé ainsi que la traçabilité des opérations
- le degré de fiabilité du système
Outre le système d’archivage lui-même, il faut utiliser des procédures, des techniques et des supports de conservation qui garantissent leur fiabilité, leur authenticité et leur conservation pendant la durée requise. Cette durée peut être longue, le long terme étant défini comme « suffisamment long pour être soumis à l’impact des changements technologiques, y compris à la prise en compte de nouveaux supports et nouveaux formats de données ou à des changements de la communauté d’utilisateurs» (ISO 14721).
L’archivage des documents passent également par la gestion de leur délai de conservation. Il est inutile de garder tous les documents pour une durée indéterminée eu égard aux impacts d’une telle pratique sur la recherche de documents, les besoins en supports de stockage et les coûts y afférents. Le délai de conservation doit être calqué sur les besoins métiers, administratifs et juridiques. Dans certains cas, les documents ont perdu toute utilité administrative mais doivent être conservés pour des raisons légales et juridiques.
5. Accéder aux documents et les diffuser
L’accès et la diffusion des documents recouvrent les aspects suivants :
- Des droits d’accès et d’édition doivent être définis avec soin. Certains documents contiennent des données à caractère privée (caractéristiques physiques, adresse privée, certificat de bonne vie et mœurs, …) et sont donc soumis à des règles spécifiques de confidentialité. D’autres ne sont destinés qu’à un public restreint (PV du comité de direction par exemple). Des politiques en la matière doivent être définies, communiquées, appliquées et auditées.
- La recherche dans un fonds de documents engageants demande moins de sophistication que dans une gestion documentaire classique. Les documents sont généralement recherchés sur la base de leur contexte de production ou de leur forme : on recherche, par exemple, la facture de telle date envoyée à tel client sans se soucier des articles commandés. Par conséquent, l’indexation pourra se limiter à des index simples basés sur des listes de valeurs et les recherches multicritères suffiront généralement.
- La circulation des documents en interne doit être revue en cas de dématérialisation. Dans de nombreuses organisations, les procédures internes consistent en une cascade de validation, qui prend encore trop souvent la forme de signatures successives sur le document.
- L’envoi des documents vers l’extérieur peut être revu : centralisation de l’impression et de la mise sous enveloppe, dématérialisation des échanges via des portails online.
6. Gérer la production des documents
Une partie importante des documents vient d’applications métiers qui génèrent des documents : données reposant dans des bases de données structurées, des résultats « calculés » provenant d’applications métier, des rapports ou états produits traditionnellement sur papier mais que l’on souhaite capturer sous forme digitale.
D’autres documents sont rédigés de manière adhoc à l’aide d’outil bureautique et de templates. Dans certains cas, le document est rédigé par une seule et même personne avant d’être validé par un supérieur, dans d’autres cas, le processus de rédaction est plus collaboratif. Il faut dans ce cas définir la manière la plus adéquate de permettre cette collaboration.
7. Maîtriser la disponibilité des documents
Les documents engageants sont des documents critiques pour la poursuite des activités de l’entreprise, aussi bien pour les collaborateurs de l’organisme que pour les tiers qui doivent pouvoir accéder aux documents à tout instant, surtout à partir du moment où ils sont mis à disposition sur des portails en ligne.
Leave a Reply